Wednesday, June 20, 2007

BON VENT, L’AÎNÉ DES ANCIENS



FRAGMENTS DE MEMOIRE AUTOUR DE SEMBENE OUSMANE

À cause du décalage horaire, je n’ai appris la mort de Sembène Ousmane que le 10 juin au matin en parcourant la une du New York Times. Je me suis immédiatement précipité sur Internet pour de plus amples informations mais je n’ai finalement pas appris grand chose si ce n’est la date (9 juin 2007) et le lieu (Dakar) de sa disparition. J’ y ai aussi trouvé bien sûr la litanie des hommages de circonstance que les hommes politiques se croient toujours obligés de rabacher par des phrases toutes faites du genre passe-partout « un digne fils de l’Afrique…une grande perte pour l’Afrique et le monde.. » . Ces formules vides de toute substance m’ont d’autant plus irrité qu’ils les avaient déjà utilisées lors de la disparition de Senghor dont , de toute l’œuvre , ils ne connaissaient probablement que le seul poème « Femme nue, femme noire », et encore ! Je me suis demandé si tous ces laudateurs qui découvraient soudain qu’ils avaient perdu un grand homme étaient capables de citer un seul film de Sembène.

J’ai toujours pensé que pour rendre un hommage approprié à une personne qui a compté dans votre vie il faudrait s’arrêter un moment , suspendre temporairement ce que l’on est en train de faire même quand c’est important, et revisiter dans le silence ou la méditation ce qu’il vous a légué. S’il s’agit d’un écrivain, cette méditation consiste à relire les textes qui vous ont le plus marqué ou tout simplement que vous avez le plus aimés. Ainsi, pour Sony Labou Tansi j’avais relu La vie et demie,pour Mongo Béti Trop de soleil tue l’amour, pour Senghor presque tous les poèmes d’Ethiopiques et pour l’historien et penseur Ki Zerbo, le livre testament qui sommait toute sa pensée, Quand l’Afrique ? Pour Sembène, mon premier réflexe a été de revoir un de ses films. De lui j’avais lu tous les livres et vu tous les films, sauf un, Moolaade. C’était là l’occasion de combler ce vide.
Mais voilà, je n’avais aucun de ses films à portée de main. Que pouvais-je donc faire, loin de Dakar, loin du Sénégal et de l’Afrique, seul Africain dans un « College » américain de la Nouvelle Angleterre en vacances de surcroît ? Pas grand chose si ce n’était de faire défiler sur l’écran de ma mémoire des fragments de souvenirs de mes rencontres avec lui.

Je me suis d’abord souvenu que j’avais une photo avec Sembène quelque part dans mes archives et comme je n’ai pas mes photos bien rangées dans des albums, j’ai longtemps fouillé dans mes tiroirs, parmi mes documents et ma paperasse avant de pousser un cri de triomphe quand je l’ai enfin retrouvée. Une photo prise à Assilah , une petite ville marocaine près de Tanger, lors d’une rencontre entre écrivains Arabes et Africains organisée en août 1998 par le maire de la ville aujourd’hui Ministre des Affaires Etrangères de son pays. C’est Henri Lopes qui m’avait fait parvenir l’invitation. Pendant les débats, j’étais impressionné par l’attention et le respect unanimes que tous témoignaient envers Sembène. On l’interrogeait, on le sollicitait, on voulait connaître son point de vue sur tel ou tel sujet. Comme dans tout colloque, il y avait parfois des discussions byzantines entre Africains comme par exemple celle de savoir si nous étions des « écrivains africains » ou des « écrivains » tout court. Aujourd’hui je suppose que la question aurait été de savoir si nous étions des « écrivains africains » ou des « écrivains-monde » faisant de la « littérature-monde » . (Je pense avoir été le seul à revendiquer sans ambiguïté ma qualité d’ « écrivain africain ».) Sembène quant à lui, n’avait pas le temps de se poser des questions aussi oiseuses. Il était le doyen parmi nous, « l’aîné des anciens » comme il se qualifiait lui-même, un aîné généreux, entier, direct, qui pouvait aussi, et je peux en témoigner, piquer de grosses colères quand ç n’allait pas.

Après avoir rangé la photo, j’ai appelé un ami qui vit à Brazzaville, Matondo Kubu Ture. Ce nom ne vous dira peut-être rien si vous n’êtes pas du Congo et pourtant c’est l’un des plus grands noms du théâtre congolais des années 1980-1990. L’on peut sans trop se tromper considérer cette période comme l’âge d’or du théâtre au Congo tant il y avait une explosion de troupes théâtrales. Parmi ce nombre impressionnant de troupes , trois dominaient tellement la scène qu’elles se virent attribuer par envie ou par dérision le sobriquet de SOMADO, acronyme formé à partir des noms Sony, Matondo, Dongala. Sony avec le Rocado Zulu Théâtre, Matondo avec le Théâtre Ngunga, Dongala avec le Théâtre de l’Eclair. Nous étions tous les trois très proches, nous assistions aux spectacles des uns et des autres, nous retrouvant très souvent pour casser la croûte ensemble, discuter, et raconter les dernières astuces que nous venions d’inventer pour ridiculiser les censeurs que le Parti envoyait assister à nos répétitions pour faire des rapports à la Sécurité d’Etat, car il faut savoir que c’était l’époque du Parti Unique avec son Président tout puissant, l’homme des masses et du peuple, et de sa puissante Commission de Censure . Parmi les œuvres censurées à l’époque figuraient mon recueil de nouvelles « Jazz et vin de palme » et deux romans de Sony.
Cependant cette amitié entre nous , cette « fratrie » comme l’appelait notre aîné Sylvain Bemba, n’empêchait pas une féroce compétition – disons plutôt émulation - entre nous. Nous étions jaloux du succès de l’autre, cette jalousie d’artiste qui cachait en réalité la reconnaissance de la qualité du travail qu’avait fait votre rival. Matondo et moi étions jaloux de Sony pour la force de ses textes, sa capacité à transformer les mots en coups de poing, Sony et Matondo étaient jaloux de Dongala pour les belles mises en scène des textes d’auteurs aussi différents que Yukio Mishima et Jean-Paul Sartre, Dongala et Sony étaient jaloux de Matondo pour les moments de théâtre sublimes à la Artaud qu’il pouvait créer à partir d’une situation banale, mais surtout à cause de sa superbe mise en scène d’un texte que nous croyions impossible à scénariser… « Les bouts de bois de Dieu » de Sembène Ousmane. C’était en 1981.

Comme un bonheur ne vient jamais seul, la veille de la première, Matondo reçut un coup de fil du Ministre de la Culture, Jean-Baptiste Tati Loutard, qui est aussi l’un de nos plus grands poètes aujourd’hui égaré en politique : Sembène Ousmane serait à Brazzaville et souhaiterait assister à la représentation. Vous pouvez imaginer l’heureuse surprise des acteurs mais aussi leur angoisse.
Matondo et sa troupe avaient trouvé l’astuce technique qui leur permettait de donner une unité de lieu pour des évènements qui se déroulaient dans trois villes différentes, ce qui en renforçait encore l’effet dramatique. Ce fut un triomphe.
À la fin de la représentation, Sembène Ousmane, acclamé de toute part monta sur scène et très ému remercia la troupe et l’audience. Toujours sous l’émotion et sous les ovations, il révéla que les noms des syndicalistes, des femmes et des cheminots qu’il avait utilisés dans le livre étaient les noms réels de ceux qui avaient participé à ce grand mouvement de grève du chemin de fer Dakar-Niger en 1948, et ces noms prononcés par les acteurs l’avaient replongé dans ses souvenirs et en les réentendant après de si longues années, une boule lui était montée à la gorge et ne l’avait pas quittée pendant toute la représentation.

Après le spectacle, abandonnant ses hôtes officiels, Sembene accepta de venir à la modeste réception offerte par la troupe . Pendant toute la soirée, il était encore sous le charme de la représentation. Heureux, il nous livra plusieurs informations inédites pour nous sur « Les bouts de bois de Dieu ». Qu’il avait plusieurs fois pensé à l’adapter au cinéma mais y avait finalement renoncé. Que la troupe du Théâtre Sorano de Dakar, après plusieurs tentatives pour l’adapter avait jeté l’éponge. Qu’en toute honnêteté, quand il avait appris qu’une petite troupe congolaise s’était attaquée au livre, il était plus que sceptique quant au résultat...
Ainsi, avec mon ami Matondo de l’autre côté de l’Atlantique, nous avons évoqué longtemps ces vieux souvenirs de 1981 avec Sembène et nous nous sommes demandés si en fin de compte le Théâtre Sorano de Dakar avait fini par relever le défi.

Ce n’est pas par hasard que j’ai mentionné Senghor au début de ce texte . Mettre Senghor et Sembène côte à côte est une étude en contrastes, deux personnalités antithétiques mais emblématiques chacune à sa manière. Ils illustrent très bien la riche diversité de l’Afrique et témoignent du fait qu’il n’y a pas une pensée ou une voie unique pour aimer et faire avancer la cause de l’Afrique. L’un, bardé de diplômes, agrégé qui « enseignait le français aux petits Français de France », francophile, académicien, chef d’État et redoutable intellectuel a porté la voix de l’Afrique dans les plus hauts cénacles de ce monde et reste encore aujourd’hui le plus célèbre poète du monde noir. L’autre qui n’a même pas franchi les portes du lycée, autodidacte, docker, tirailleur, s’est pourtant imposé comme l’un des plus importants écrivains et l’un des plus grands cinéastes du continent, un artiste populaire et « engagé » comme on disait à l’époque, un combattant de la liberté qui ne s’est pas contenté de dénoncer le colonialisme et le néocolonialisme – trop facile, car quel Africain , même parmi les plus importants piliers de la Françafrique, ne dénonçait le colonialisme ?- mais a regardé en face les travers de sa propre société . Revoyez Le mandat, Xala, Ceddo, Faat Kine et vous saurez de quoi je parle.

Congolais, je suis jaloux du Sénégal à cause de Sembène et de Senghor. Bon vent là ou tu vas, aîné des anciens.

Friday, April 13, 2007

UN ECRIVAIN EST NÉ

Un écrivain est né, retenez son nom: Wilfried N’Sondé.
Il y a longtemps je n’avais point lu de roman aussi percutant et iconoclaste dans la littérature congolaise – mais peut-on encore parler de littérature congolaise?

Le livre commence avec le protagoniste en prison. Tout ce que l’on sait c’est qu’il est incarcéré pour avoir tué. Pourquoi? Comment en est-il arrivé là? C’est ce parcours qui constitue la substance du roman.
Né en Afrique (plus précisément au Congo Brazzaville), enfant des banlieues parisiennes – les fameux quartiers dits sensibles – où il a grandi, le narrateur raconte dans une langue délirante, poétique, violente, éblouissante, sa vie débridée, une vie menée à cent à l’heure entre défonces, copains et copines, amours sublimées et amours charnelles, petits et gros délits. Il procède pour cela par une succession de flash-back désordonnés et kaléidoscopiques qui, peu à peu , comme un puzzle, se mettent en place pour révéler
l’individu dans la plénitude de son mal-vivre.

En contrepoint du récit plane l’ombre tutélaire de l’ “Ancêtre ”, une sorte de voix et conscience de l’Afrique éternelle qui sans cesse exhorte cet enfant d’Afrique incarcéré de “ne pas courber l’échine”, de savoir d’où il vient, et de ne pas oublier que ses aïeuls étaient un peuple fier et digne. Ces appels et rappels de l’Ancêtre nous font saisir à contrario l’immense déclin et naufrage dans lesquels ont sombré l’Afrique d’aujourd’hui et ses politiciens.

Ce petit livre d’à peine 130 pages ne serait qu’un autre livre bien écrit s’il n’y avait en filigrane cette question toujours actuelle du questionnement identitaire. « T’es quoi enfin, français ou Africain ? » se demande le narrateur pratiquement à la fin du livre, après nous avoir tout livré sur lui-même. C’est cette même quête identitaire qui hantait déjà les pères fondateurs de la Négritude quand ils essayaient de cerner leur « identité nègre », à cette différence que Wilfried N’Sondé ne se lance pas dans des discours philosophiques ou ontologiques. Il parle de lui-même et pour lui-même, il ne partage que son expérience personnelle, charnelle et spirituelle, d’où ce sentiment de totale empathie que nous ressentons en fermant le livre.
« La Haine » , le film de Matthieu Kassowitz avait révélé le monde des banlieues à l’opinion française. « Le cœur des enfants-léopards » va plus en profondeur , et c’est bien là la supériorité du roman sur le cinéma, cette capacité à pénétrer aux plus profonds abîmes d’un être et les révéler à la lumière du jour. Je pense que je ne m’avance pas trop en disant que ce livre fera date dans cette littérature montante des jeunes « issus de l’immigration » , cette génération de la « migritude ».
Bravo Wilfried pour ce premier roman, il te reste à nous confirmer ton talent par un deuxième livre aussi fort.


Le Cœur des enfants léopards par Wilfried N’Sondé, roman, Actes Sud , 15 euros.

Saturday, December 16, 2006

Hommage à Ki- Zerbo.

IL NE S'EST PAS COUCHÉ, IL NE DORT PAS: Hommage à Ki- Zerbo.

Je me souviens encore de cette émission d' " Apostrophes " où pour la première fois Bernard Pivot invitait un parterre d'écrivains africains et pas des moindres. Le programme touchant à sa fin, le présentateur, de façon un peu facétieuse, a demandé à Ki-Zerbo qui évidemment était du nombre, si sans la colonisation, ce dernier serait aujourd'hui historien . "Historien? " reprit Ki-Zerbo, " Non, petit-fils d'historien probablement!"

Voilà tout Ki-Zerbo, l'un des intellectuels africains le plus mésestimé sinon sous-estimé du XXe siècle. Et pourtant, sa contribution à l'élaboration d'un discours africain autonome, "endogène", pour reprendre le mot de ce premier agrégé africain d'histoire à la Sorbonne, a été aussi importante que celle de ses pairs plus célèbres comme Léopold Sédar Senghor ou Cheick Anta Diop.
Pour lui, tout commence et finit par l'Histoire car ce n’est que par une révision déchirante sur le plan historique que l'Afrique pourra développer une vision nouvelle du monde , "une nouvelle cosmogonie qui soit porteuse de bien de services et de valeurs". Pourquoi une telle révision, une telle rupture? Parce que trop longtemps l’idéologie dominante, européenne essentiellement, a fait croire que l’itinéraire historique de l’Afrique ne commençait qu’avec son contact avec l’Occident – voir Hegel – et que l’essentiel de cette histoire se résumait à " l’épopée " coloniale du XIXe siècle et aux dernières décennies du XXe siècle où le continent fut décolonisé et mal décolonisé. Pour rompre avec cette vision réductrice de l’histoire africaine et permettre aux Africains " d’avoir un petit contrôle sur leur passé ", Ki-Zerbo a commencé son gigantesque travail de pionnier en puisant aussi bien dans l’archéologie que dans les traditions orales . La première somme de ce travail est son ouvrage aujourd’hui devenu un classique , Histoire de l'Afrique Noire: D'hier à demain (1978). Plus tard, il co-dirigera deux ouvrages de la monumentale Histoire de l'Afrique, parrainée par l'UNESCO.
Dans ces nombreux articles et ouvrages, Ki-Zerbo n'a cessé d'affiner sa réflexion; il n'a cessé de clamer haut et fort que pour l'Afrique, développer une pensée endogène était une question de survie ; sans cette pensée qui permettrait aux Africains de répondre aux questions " qui sommes-nous, d’où venons-nous ? ", l’Afrique deviendra sous peu victime d’un "clonage culturel" et qui dit clonage culturel dit fin de la civilisation. Cette pensée endogène ( et son corollaire de développement endogène) ne voulait pas dire s'emmurer et se camper dans le passé – l’on pense notamment au brumeux concept d' "authenticité" élaboré au Zaïre par Mobutu- mais signifiait une pensée "poreuse à tous les souffles du monde" comme dirait Césaire , et cependant puisant dans ses propres profondeurs tel un arbre qui se nourrit des vents extérieurs mais reste solidement enraciné dans sa terre . Ce n'est qu'alors qu'une réflexion originale sur l’avenir de l'Afrique pourrait se faire, hors des grilles de lecture dominantes. Ainsi pourraient être repensés l'Etat, le développement, le système éducatif , l’importance des langues africaines dans l'éducation, la place essentielle des femmes et d'autres problèmes fondamentaux. Car il ne faut pas oublier que l'Afrique a été vidée de sa substance et que ce qu'on lui a apporté jusque-là contient beaucoup de vide.
Se réapproprier la totalité de son histoire, considérer les traditions orales comme sources valables d’éléments historiques, élaborer une pensée endogène et j’en passe, toutes ces idées originales à l’époque de leur conception sont aujourd’hui si bien intégrées dans la problématique et le paradigme des recherches et travaux actuels sur l'Afrique qu'elles ressemblent à des lieux communs tant elles semblent aller de soi. On oublie qu’à leur origine se trouve un certain Ki-Zerbo. Mais pour cet historien qui connaissait si bien l’Afrique pré-coloniale, perdre la paternité de ses idées et les voir tomber dans le domaine public ne pouvait être qu’être un objet de satisfaction, tout comme dans l’ancienne Afrique il n’y avait pas de copyright sur les créations intellectuelles. D’ailleurs, en 1997, il a reçu le Prix Nobel Alternatif pour ses recherches sur les modèles originaux de développement.
Ki Zerbo n'a pas été qu'un intellectuel enfermé dans sa tour d'ivoire, il a été un homme d'action jusqu'au bout. Pour lui, la pensée ne pouvait être séparée de l'action et réciproquement. En 1958, jeune homme, il fit campagne pour le "non" au referendum organisé par De Gaulle , c'est-à-dire pour une indépendance immédiate des colonies africaines de la France. En 2003, octogénaire, il battait encore le pavé pour réclamer la lumière sur la mort de son compatriote journaliste Norbert Zongo.

Bien sûr, je ne veux en rien faire l’impasse sur le politicien burkinabè, celui qui avait été éliminé dès le premier tour de l'élection présidentielle en 1978. Mais franchement, entre un Ki-Zerbo président de la République du Burkina Faso et et un Ki-Zerbo qui nous laisse en héritage ses travaux et son Histoire de l’Afrique Noire, je préfère de loin le dernier. À l'exception de Senghor peut-être, les intellectuels africains authentiques n'ont jamais réussi dans la politique politicienne et c'est tant mieux pour nous. Leur farouche indépendance, leur rigueur, font qu'ils ne se soumettent pas facilement . Il était donc prévisible que même un homme comme Thomas Sankara que par ailleurs Ki-Zerbo qualifie de "patriote sincère et désintéressé, un idéaliste volontariste", se défiât de lui et comme tout César, le fit juger et condamner par un tribunal dit populaire. Le résultat fut l'incendie de sa bibliothèque de plus de 11 000 ouvrages, une sentence cruelle pour un intellectuel, historien de surcroît. C’est cela, le prix de la liberté intelectuelle.

Il disait souvent, "nan lara, an sara": si nous nous couchons, nous sommes morts. Ce lundi 4 décembre 2006, il ne s'est pas couché, il n'est pas mort , il a tout simplement rejoint l'Histoire. Mon plus grand regret c'est de ne pas avoir eu la chance de rencontrer , avant son départ, cet homme qui était peut-être le plus grand historien et théoricien de l'histoire africaine que

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Joseph Ki-Zerbo est né le 21 juin 1922 et décédé le 4 décembre 2006. L'homme a beaucoup écrit. Pour une synthèse de sa pensée, voici un florilège tiré de son excellent livre d'entretien avec René Hollenstein, A quand l'Afrique? (Éditions de l'Aube 2003).

" Dans la mesure où l'esprit humain n'est pas sollicité, il s'étiole, il entre en hibernation, se déconnecte et se développe un complexe d'infériorité qui désarme ses capacités à inventer. C'est une sorte de démission qui consiste à dire : "Ce n'est pas notre rayon, ce n'est pas notre terrain". Ainsi, on a prétendu que les Africains n'étaient pas faits pour les mathématiques. Evidemment, cette thèse absurde a disparu. Mais il fut un temps où beaucoup d'Africains avaient fini par l'accepter eux-mêmes. Par la suite, ils ont démobilisé leur esprit et se sont laissé entraîner par le mimétisme et l'extraversion. "

" L'universel n'est pas seulement l'addition des différents particuliers. Et ce n'est pas un particulier qui, en écrasant tous les autres, peut s'autoproclamer universel. "

" Plus on découvre les choses qui peuvent libérer l'homme, plus d'autres groupes humains les emploient pour asservir l'homme. "

" Le clonage culturel, c'est la fin de la civilisation. "

" Malheureusement, beaucoup de gens conçoivent le développement comme une course olympique où les peuples sont les uns derrière les autres…Le développement est un phénomène total qu'il faut embrasser dans sa totalité aussi. Et dans cette totalité, les facteurs culture et éducation sont primordiaux…Mais comment quantifier la culture pour les injecter dans les indicateurs du développement? C'est un problème, parce que les aspects les plus intimes du développement sont presque indéfinissables et impalpables, comme le bonheur, la santé, la joie. "

" En ce qui concerne le contre-système ou le système alternatif, on peut poser comme principe: penser globalement et agir localement, en n'oubliant pas que la pensée ne doit jamais être séparée de l'action et réciproquement. On ne peut pas se retrancher dans son petit fief et dire que l'on résistera à la mondialisation tout seul. "

" On ne lave pas le sang avec du sang, mais avec de l'eau. "

Thursday, October 12, 2006

My first blog

Bonjour, this is my first blog!